Faire du sport en respectant la planète : serait-ce le nouveau défi des sportifs ? Alors que les tenues proposées par les grandes marques sont souvent loin d’être écolos et éthiques, de rares entrepreneurs misent sur les alternatives. Enquête sur ce parcours du combattant !

Pour le running, le yoga, le fitness ou la randonnée, il faut s’équiper. Si les grandes enseignes proposent des vêtements techniques, légers et respirants, adaptés aux contraintes propres à chaque activité, les matières utilisées sont souvent issues de la pétrochimie ou de matières non biodégradables (polyester, polyamide, élasthanne et nylon). De plus, les étiquettes mentionnent rarement la provenance des vêtements et il est difficile de savoir si les entreprises respectent les normes sociales internationales. Alors, comment faire autrement ?

En achetant moins et de meilleure qualité, le citoyen sportif fait déjà un petit pas. Mais comment aller plus loin, où trouver des tenues de sport « responsables » qui respectent l’environnement et les droits sociaux ?

Les matières écologiques

Quelles matières choisir ? En créant la marque de vêtements de sport Outdoor, ski et surf, Picture Organic Clothing, en 2008, Julien Durant et ses deux co-fondateurs ont pris conscience qu’il y avait aussi du greenwashing dans ce secteur. En effet, certaines matières présentées comme écologiques, telles que les fibres de noix de coco ou de lait, ne sont en réalité pas exclusivement issues de ces éléments, mais sont constituées de fibres de polyester enduites d’extraits de noix de coco ou de lait. Fort de ce déplorable constat, Picture a décidé de privilégier la laine, entièrement biodégradable, et le polyester recyclé. Réutilisable à l’infini, ce dernier est ainsi utilisé au minimum à 50 % dans la composition des vêtements, mélangé à d’autres matières moins couteuses, comme la laine ou le polypropylène (moins écologique).

« Notre projet pour 2019 est d’utiliser un nylon totalement biodégradable, afin d’avoir des vêtements sans aucun impact sur l’environnement en fin de vie », ajoute Julien Durant qui s’est notamment entouré d’un ingénieur du textile, fondateur d’une autre marque de sport éthique : Hengl.

Créatrice de la marque Boija, spécialisée dans les tenues de running et de yoga, Natacha Campanale a suivi cette même démarche. Elle a travaillé avec des chercheurs du pôle textile de l’Université de Haute Alsace (ENSISA) pour choisir les matières de sa gamme de vêtements de sport éco-conçus et basé sur l’économie circulaire. « On peut faire beaucoup avec les déchets : récupérer des bouteilles en plastique pour en faire des fibres de polyester, recycler le coton pour en faire des T-shirts. Quand il n’est pas possible de recycler, on utilise des matières plus écologiques, comme le chanvre ou le lin qui sont également produits en France, ou le Tencell, issu de fibre d’Eucalyptus. » La première ligne de vêtements Boija devrait sortir en juin 2017.

Protéger les droits des travailleurs

À Nancy, Pascal Didier, ancien professeur et entraineur de basket, a créé la boutique Vet’Ethic en 2008. Il vend des équipements et des vêtements de sport principalement issus du commerce équitable : T-shirts, maillots et ballons. À l’origine de son initiative : les conditions sociales de fabrication des produits traditionnels, dans certains pays ne respectant pas les droits élémentaires des travailleurs (salaires, travail des enfants) qui le gênaient beaucoup « Je trouvais que ce n’était pas cohérent. C’est ce qui m’a aidé à franchir le pas. »

En effet, dans le textile en particulier, la chaîne de production est longue et complexe : du producteur de matière première, au distributeur, en passant par les filateurs ou les usines de confection. Tous sont basés dans différents pays, où la main d’œuvre est souvent moins chère et les droits des travailleurs parfois bafoués (Bangladesh, Mynamar, Vietnam…).

« Les chaines de sous-traitance sont très ramifiées, et cela se traduit généralement par des violations des droits humains au travail », explique Nayla Ajaltouni, membre du collectif l’Ethique sur l’étiquette, une ONG de défense des droits humains au travail, particulièrement présente dans les secteurs à forte main d’œuvre comme le textile. L’objectif ? Faire pression sur les multinationales afin qu’elles s’assurent que les conditions de travail garanties par l’Organisation internationale du travail (OIT) sont respectées à tous les niveaux de la chaîne. « Depuis la catastrophe du Rana Plaza [l’effondrement en 2013 d’un immeuble à Dacca au Bangladesh, abritant les usines de confection de produits vendus par certaines grandes marques internationales de vêtements, qui a fait plus de 1 000 morts – ndlr], il y a une prise de conscience des citoyens », rappelle Nayla Ajaltouni. Mais il est encore difficile de connaître les conditions de fabrication des vêtements que nous achetons, en raison du manque de transparence. En Europe, la mention “Made in” attestant de la provenance des vêtements n’est pas obligatoire.

Alors on achète quoi ?

Que peut faire le consommateur ? D’abord, se fier aux labels. Max Havelaar et WFTO (World Fair Trade Organisation) pour le commerce équitable des vêtements en coton par exemple, Global Organic Textile Standard (GOTS), Ecocert ou Demeter pour les textiles issus de l’agriculture biologique, ou encore Ecolabel européen qui garantit que la pollution liée à la fabrication des produits est limitée. « Même si c’est une forme de garantie, cela n’est pas toujours suffisant et cela concerne surtout la matière première et non les conditions de travail », relativise Nayla Ajaltouni.

« L’idéal est de privilégier des marques intégrées, où le lien entre le producteur et le consommateur est presque direct, comme dans le commerce équitable. C’est le cas par exemple de la marque de baskets Veja qui traite directement avec les producteurs de matières premières au Brésil ». On peut aussi faire le choix de marques made in France comme Boija ou la marque de basket 24 secondes.

« Le monde du sport n’est pas très ouvert à ces choses-là… », regrette Pascal Didier de Vet’Ethic. En cause : le sponsoring ou le marketing, une priorité pour la plupart des grandes marques. Quant aux clubs sportifs, ils n’ont pas toujours les moyens de payer des produits un peu plus chers. Mais l’entrepreneur a constaté un changement de comportement des consommateurs citoyens qui prennent conscience des impacts de leurs pratiques. Une tendance que Nayla du Collectif Ethique sur l’étiquette confirme : « Les consommateurs ne veulent plus être complices des situations qu’ils refusent. Cette prise de conscience citoyenne doit se transformer en actes. En choisissant nos vêtements, nos actes d’achat deviennent des actes politiques. »

Par Gaëlle Coudert – mai 2017